Corps Nouveaux
« Je me propose de dire la métamorphose des formes en des corps nouveaux »,
voici comment Ovide ouvre son poème les Métamorphoses, dont la composition débute en l’an 1 de notre ère, en une époque et un lieu où les imaginaires ne sont pas encore structurés autour d’un Dieu unique. Les récits enchâssés d’Ovide conduisent depuis la création de l’univers jusqu’au règne de l’Empereur Auguste. Pas un silence ne vient interrompre ce carmen perpetuum ; la puissance de la matière vivante entraîne les mots, infatigable. Par la fluidité de ses descriptions, Ovide capture le flux du temps dans le mouvement des corps, il concentre son exercice sur cet entre-deux où une forme se perd et un nouveau corps apparaît. Le défi poétique des Métamorphoses est celui d'une saisie par les mots du « tourbillon de ce qui est en train d’apparaître »3.Librement inspirée par la lecture de ce long poème d'Ovide, l’exposition en prend pour titre les deux derniers mots : corps nouveaux. Sans doute n’existe-t-il pas de corps nouveau bien qu’il ait sans cesse été imaginé.Dans une première partie, les récits qui narrent l’origine tumultueuse de l’univers sont évoqués, mis en parallèle avec la création artistique et la dynamique de transformation qui en est le moteur. Il y est aussi question du « chaos » où tout peut devenir.La seconde partie s’articule autour de la notion de tekhnè qui, en grec, désigne « la production » ou la « fabrication matérielle ». La connaissance fut autrefois considérée comme une façon d’approcher le divin, de défier les limites du corps, de le reproduire ou d’en produire de nouveaux. Le rêve comme extension du corps, la « bouteille à la mer interstellaire » qu’est le Golden Record4, la limite infranchissable entre le corps et l’image, les fables du Golem et de Romulus et Remus y seront notamment convoqués.La dernière partie aborde la vulnérabilité qui se trouve au cœur de tout récit de métamorphose. La métamorphose est le lieu de la fragilité, elle est un moment d’entre-deux, et comporte un risque. En forgeant la notion de « somathèque » pour désigner le corps comme archive politique vivante, le philosophe Paul B. Preciado apporte une alternative aux images figées de corps-objets ou de corps anatomiques.
La seconde partie s’articule autour de la notion de tekhnè qui, en grec, désigne « la production » ou la « fabrication matérielle ». La connaissance fut autrefois considérée comme une façon d’approcher le divin, de défier les limites du corps, de le reproduire ou d’en produire de nouveaux. Comment représenter un corps, comment le saisir en tant que force vitale ? Comment s’affranchir de ce que l’artiste Mike Kelley appelait « les choses mortes », en référence à la fétichisation de l’œuvre d’art ? Le rêve comme extension du corps situé, la « bouteille à la mer interstellaire » qu’est le Golden Record3, la limite infranchissable entre le corps et l’image, les fables du Golem et de Romulus et Remus y seront notamment convoqués.La dernière partie aborde la vulnérabilité qui se trouve au cœur de tout récit de métamorphose. La métamorphose est le lieu de la fragilité, elle est un moment d’entre-deux, de non-présentabilité et de non-représentabilité, elle comporte un risque. En forgeant la notion de « somathèque » pour désigner le corps comme archive politique vivante, le philosophe Paul B. Preciado apporte une alternative aux images figées de corps-objets ou de corps anatomiques. Il poursuit la voie ouverte par Antonin Artaud sur le terrain de l’identité. Oser la métamorphose en contestant une certaine paresse de l’ordre moral qui nous vient de l’extérieur, replacer le désir au cœur de l’éthique, tel fut aussi le combat de Michel Journiac et de la poétesse Sylvia Plath qui habitent ce second épisode.Dans son ensemble, l’exposition articule l’opacité, l’intimité et le secret associés au corps et à l’acte de création, aux notions collectives de récit, de mémoire et d’empathie. En une période de crise des récits et de crise de l’altérité, il s’agit de revisiter une pensée du vivant à travers une œuvre littéraire où se narre très souvent la solidarité entre les règnes humain, animal et végétal face à l’adversité. La fortune historique des Métamorphoses est probablement liée à son absence d’idéologie, à sa puissance visuelle. L’impermanence n’y est plus considérée comme un objet de peur mais comme une source d'étonnement où se loge la poésie et dont la philosophie est née. Le caractère radicalement visuel, théâtral et kaléidoscopique de cette œuvre littéraire, de laquelle sont nés tant d’opéras et de chefs-d’œuvre de la peinture, y est ici aussi célébré à travers une multiplicité de médiums et d’univers artistiques.
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