A l’été 2023, en partant pour la première fois au Monténégro, j’avais amené mon appareil 6x4,5 avec une intuition forte et le désir de photographier les résidences de Josip Broz Tito. Arrivé un peu par hasard à Herceg Novi, j’ai eu la chance de commencer à tourner un objet filmique avec le prince du Monténégro et sa fille, et lors des repérages j’ai été absolument fasciné par la Villa Galeb. Construite en 1976 elle servit quatre fois de résidence d’été à Tito, ses proches et ses collaborateurs. Plusieurs milliers de m2 comportant des espaces de vie, des salles de réunions, une piscine olympique, des infrastructures pour des bains de boues, et même un abri anti-atomique.
Maintenue tant bien que mal en l’état, elle transpire aujourd’hui une mélancolie très particulière, comme une capsule temporelle au modernisme suranné. Elle possède le charme particulier du décor de cinéma d’un film jamais tourné. Car ce qui m’a intéressé en la photographiant c’est surtout la capacité de fiction que recèle ce lieu et son décorum, d’où le titre Hypothèse Tito. Ainsi je vois ce travail photographique comme un espace mental, une sorte d’espace liminal entre le réel et le rêve, entre l’Histoire et l’Uchronie. Un lieu abandonné de rêves brisés et de grandeurs passées. Un lieu hors du temps et de l’espace, mais pourtant bel est bien photographié en pellicule.
François Fleury